Engrenages

Au début des années 1900, la Société des Garages Goydadin, implantée dans le Haut Jura, était prospère, florissante, promise à un grand avenir : aucun nuage ne se profilait dans le bleu du ciel (même si le ciel est rarement de cette couleur dans le Haut Jura). Mais une concurrence trop forte, une gestion trop aléatoire, une progéniture trop peu douée pour les affaires et voilà que, un siècle plus tard, cette dynastie de la clé à molette n’est plus que l’ombre d’elle-même : outragée, brisée, martyrisée, et on ne voit pas très bien comment elle pourrait se libérer des chaînes de son destin...

Jugez plutôt : la flamboyante société d’autrefois ne compte plus aujourd’hui que Camille, le père, Claude, le fils, deux mécaniciens, une camionnette Renault fatiguée, une remorque éreintée et une poignée d’outils qui se battent en duel au fond d’une caisse. Dur, dur. Ce qui fait que, pour continuer de survivre, ces artisans aussi brinquebalants que leurs véhicules n’ont pas d’autre alternative que de baguenauder sur les routes en proposant, de-ci de-là, au petit bonheur la chance, leurs services de mécanique sur place...

Et devinez quoi ? Ils vont bientôt s’arrêter au Mans. Alors, si vous devez remplacer un pot d’échappement ou une tête d’allumage, on vous conseille vivement de ne pas aller chez eux. En revanche, si vous avez une heure à perdre, si vous aimez les gens ringards mais touchants, maladroits mais sensibles, ronchons mais plein d’humanité, et si vous préférez les personnages affreux, sales et méchants des frères Coen à ce gendre idéal de Michel Vaillant, prenez votre bagnole et foncez. Pas trop vite : en cas d’accident, ce serait eux qui s’occuperaient du dépannage et des réparations...