L’abattoir à la barre

Nous le savons : le harcèlement scolaire est aujourd’hui un véritable fléau, une plaie qui a connu un formidable essor avec les réseaux sociaux - même si cette  forme d’ostracisme a toujours eu cours, y compris sous Jules Ferry (à ce titre, le témoignage du petit Vincent Taloche, fils de maçon scolarisé à Murol, dans le Puy-de-Dôme, et consultable aux Archives Départementales de Clermont-Ferrand, est accablant). Mais comment faire pour l’éradiquer ?

Le convoquer au tribunal. Entendons-nous bien : pas un petit harceleur ou une petite harceleuse qu’on aurait pris au hasard, mais bien le harcèlement lui-même - afin que le prévenu n’ait pas un visage ou un genre en particulier, afin que son jugement puisse couvrir toutes les époques et tous les lieux, afin que les différentes manifestations de la malignité de son âme puissent être auscultées en détail. Et avec des procureurs, des avocats, des greffiers, des jurés, des victimes, des témoins, des experts et tout le saint-frusquin...

C’est donc bien à un procès spectaculaire (presque aussi spectaculaire que celui de Jeanne d’Arc à Rouen) que vous convie la compagnie Groupe Déjà - à un procès spectaculaire et à une représentation théâtrale spectaculaire elle aussi, puisque deux comédiens y incarneront à eux seuls pas moins de dix-neuf personnages (tous vêtus, modernité oblige, de sweats à capuche). En multipliant ainsi les points de vue et en adoptant un ton à la fois décalé et ludique, cette pièce parviendra à aborder le harcèlement sous tous les angles et à faire affleurer la complexité d’un phénomène qui empoisonne la vie d’un million d’enfants chaque année, qu’ils soient fils de maçon ou pas...