Les Quinconces L'espal - Scène nationale du Mans

Ce spectacle à eu lieu lors d’une saison précédente.
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DANSE

MAGUY MARIN - DAVID MAMBOUCH - BENJAMIN LEBRETON

06 - 07 avril 2022

En partenariat avec la Compagnie Maguy Marin, Ramdam - un Centre d’Art, La Fonderie et Le Théâtre du Radeau, embarquez pour un programme de 4 jours à la découverte de l'univers de la chorégraphe Maguy Marin.

 

SINGSPIELE @stephane Rouaud
SINGSPIELE @B. Lebreton
SINGSPIELE @stephane Rouaud

C’est selon


L’interprète, ou l’acteur, ou le danseur — c’est selon — se tient d’abord tapi dans son coin et la lumière l’amène ou l’invite à se dresser. Son propre visage, son visage à lui n’existe pas : un support qu’il embouche va lui créer un nombre incalculable — mais parfaitement calculable si on a la patience de le faire — de visages, qui, tous, correspondent parfaitement aux dimensions du sien. Chaque visage se visse donc à son cou, à ses épaules, il a désormais en propre non plus son visage, mais ceux qu’un montage savant lui apprête au fur et à mesure de sa démonstration, de son exercice, tout comme les textes se muent progressivement dans Exercices de style de Raymond Queneau, suivant une loi des « circonstances ». Cette suite est très puissante et renvoie à une idée : de quoi sommes-nous faits si ce n’est de ces visages — qui deviennent corps — que nous côtoyons, qui nous « impressionnent » par sympathie, par amitié, par amour, mais aussi par dérision, par hostilité, par vanité, par ajustements psychiques ? Les trames de la pluralité et de la multiplicité nous imposent leurs élaborations, leur travail secret qui nous permettent de nous reconnaître comme autant de composants-composés unis, à l’intérieur du monde, par ces liens communs qui courent de l’un à l’autre, mais qui assurent, encore plus secrètement, la création d’un existant qui ne peut qu’être unique. Unicité à travers la multiplicité, individu à travers le monde qui nous traverse de toutes parts, de tous côtés, par l’analyse des autres que chacun de nous secrète, par la captation que nous en faisons, en échange, à chaque fois, de ce que nous sommes censés « vivre », et non « représenter ». C’est là que la distance avec le masque de la Commedia dell’Arte ou encore le masque pirandellien prend corps, ce dernier ne laissant percer que la discontinuité et l’effraction de l’individu face à l’individu lequel, dès lors, ne peut que poser une question d’ordre psychologique, prise dans les lacis d’un instinct de protection. Ici, le multiple du masque — grande efficacité du travail de Benjamin Lebreton — renvoie à la constitution fragile d’une âme qui ne s’imbibe pas en nous, mais qui nous auréole, suivant, peut-être involontairement, une affirmation de Michel Foucault dans Surveiller et punir. L’interprète alors, David Mambouch, ou l’acteur, ou le danseur — c’est selon — n’a plus qu’à jouer lui-même, hors métaphore, son geste simple, sans parole, puisque le support de l’image qu’il porte l’oblige à la mutité la plus absolue, dans l’accomplissement d’une gestuelle devenue essentielle pour, à chaque fois, habiller ou dévêtir le visage qu’il prend, lui accorder les gestes qu’il lui trouve, qu’il trouve dans ce nouveau masque, et qui lui semblent convenir, non pas dans l’imitation de l’autre, mais dans le fait d’aller se nicher en lui-même et de le laisser grandir, ou plutôt se recomposer, dans sa différence. C’est sans doute ça aussi « reconnaître l’autre », ou « être reconnu par l’autre », une phagocytose, amoureuse ou non, mais essentielle à notre nature d’individus pris dans un corps commun. Une œuvre, un travail se justifient entre autres par les réflexions qu’ils impliquent ou induisent : cette élaboration est possible parce que Maguy Marin a toujours réfléchi et travaillé sur les rapports et les liens que l’individu ne cesse de trafiquer avec ce qui, en même temps, dans un même geste, le rend semblable et différent — ou différent parce que semblable, mais surtout différent et semblable parce que multiple de ce dont il s’accapare et qui finit par lui appartenir. Singspiele prend racine aux mêmes sources que l’affabulation grandiose de Umwelt ou qu’à celles de Nocturnes — deux travaux récemment repris — et raconte ou redit la douleur de se faire et prendre corps sur scène et, prendre, à travers le corps, figures et visages en fuite vers leurs devenirs. Continuité créative : c’est comme si Singspiele sortait de Umwelt et en développait une intention particulière. La solitude scénique de David Mambouch, qui a pris part aux derniers travaux, exprime et redéploie la ligne de ces ensembles conférant sa nécessité à ce que cela advienne. Oui, solitude scénique, non seulement parce qu’il est seul en scène — interprète, acteur, danseur, c’est selon — mais parce qu’à chaque changement de visage doit correspondre un changement radical, de mise et de gestes, qui modulent et composent un vrai travail sur l’acteur solitaire et muet face à ce qu’il se veut ou se doit de faire — on songe au Funambule de Jean Genet. Une traversée violente et amoureuse des visages, des postures et des genres — vacillant entre masculin et féminin et entre-deux — qui rappelle aussi, de près ou de loin, peu importe, certaines postures du nô, du kabuki, du butoh.

Jean-Paul Manganaro

 

 

 

 

  • Générique

    « Singspiele »

     

    Maguy Marin

    David Mambouch

    Benjamin Lebreton

     

    Conception : Maguy Marin

    Interprétation : David Mambouch

    Scénographie : Benjamin Lebreton

    Régie générale : Rodolphe Martin

    Lumières : Alex Bénéteaud

    Création sonore : David Mambouch

    Son : Antoine Garry

    Aide à la réalisation des costumes : Nelly Geyres

    Production déléguée : extrapole

    Coproductions :

    Extrapole l Daejeon arts center l marseille objectif DansE l Compagnie Maguy Marin l Ad Hoc l extrapole l Théâtre Garonne l Latitudes prod

    Remerciements à Mix’ art Myrys et à L’Usine /Toulouse

Infos pratiques

ENV. 1H30

TARIF.

 

La réservation pour Singpsiele est possible auprès de la Scène nationale, le règlement des places sera en revanche à réaliser le soir-même auprès du Théâtre de La Fonderie.

 

Une place achetée pour Singspiele = une place offerte pour Umwelt ou Y aller voir de plus près. Offre non disponible en ligne. Renseignez-vous auprès de la billetterie !