Le taureau par les cornes

En Espagne, deux femmes sont tuées toutes les semaines par leurs maris, leurs ex-maris, leurs amants, leurs fiancés, leurs pères ou leurs prétendants. On ne jettera cependant pas l’opprobre sur l’ensemble de ce peuple tolérant et esthète, qui nous a donné Miguel de Cervantes, Francisco Goya et Carles Puyol - puisque, en France, les statistiques sont à peu près les mêmes. Mais comment lutter contre cette révoltante violence domestique et sociétale ?

En bousculant notre immobilisme coupable et notre indifférence complice. C’est en tout cas ce que tentera de faire Agnés Mateus, performeuse issue de la scène punk catalane et formée au jeu et à la danse, dans ce spectacle radical et avant-gardiste qui sonnera à vos oreilles comme un cri d’alarme...

Seule sur un plateau à l’esthétique néo-pop aspergé de puissantes images et inondé de musique techno, vêtue de ses plus beaux leggings à paillettes, cette passionnaria du féminicide hurlera donc sa rage en scandant une liste d’insultes misogynes longue comme le bras, en dézinguant le sexisme à la force de ses biceps, en flinguant la culture du viol à coups de scie sauteuse, en plongeant son visage dans une brouette pleine de terreau, en s’affublant d’un effrayant masque de clown ou en recevant des gerbes d'étincelles sur la tronche. Avec son engagement physique et son humour décapant, cette pièce provocatrice et incendiaire rejoint quelque part la catharsis grecque, cette purgation de l’âme par la séparation des bons et des mauvais affects. D’ailleurs, combien y avait-il de femmes tuées toutes les semaines en Grèce antique ? Parce que Platon et Aristote n’ont jamais été très clairs là-dessus...