La question de la visibilité et du regard, ainsi que l’intérêt de l’artiste pour le cinéma, jouent un rôle central dans l'exposition « ...et un peu de nous toutes ». C’est particulièrement le cas de l’installation « d'un regard l’autre », qui a été créée à partir d’une seconde du film La Bataille d'Alger (Gillo Pontecorvo, 1966). La séquence met en scène une militante du Front de libération d'Algérie qui a adopté une allure "occidentale" afin de pouvoir pénétrer dans les zones contrôlées par l'armée française sans éveiller les soupçons. À un moment donné, elle entre dans un café-bar animé et on la voit parcourir l'espace du regard, tâchant toujours de ne pas être repérée.  L'œuvre reproduit en mille exemplaires chacune des 24 images qui composent une seconde de cette scène. Vues dans leur ensemble, les images semblent toutes identiques, indiscernables. En regardant de près, pourtant, on découvre qu'il y a un seul cadre, le dernier de la série, dans lequel le regard de la jeune femme croise la caméra et, par conséquent, nos propres yeux.
Un regard furtif, presque imperceptible, qui nous vise directement et nous interpelle en tant que spectateurs et en tant que témoins d'une histoire.

Estefanía Peñafiel Loaiza