Estelle Savasta a écrit et mis en scène un texte singulier entre parabole moderne et manifeste politique. Le spectacle est dynamique, attachant et édifiant. Estelle Savasta commence sa carrière comme assistante de Gabriel Garran puis de Wajdi Mouawad. En 2005, elle créé sa compagnie et met en scène une adaptation bilingue française et LSF (langue des signes française) du “Grand Cahier” d’Agota Kristof . En 2007, elle écrit “Seule dans ma peau d’âne” et en 2011, “Traversée”. En 2014, le « Préambule des étourdis » naît de l’inspiration d’un album jeunesse et en 2017, elle conçoit “ Lettres jamais écrites”, œuvre co-écrite avec neuf adolescents et quinze auteurs lors d’une résidence.
Au départ de chaque création de la compagnie, il y a une question posée et un long travail de maturation en plateau : Comment devient-on un monstre ? Comment devient-on une fille ? Qu’est-ce qui nous lie les uns aux autres ? À chaque fois, ce n’est pas à Estelle Savasta de répondre mais il s’agit plutôt pour elle de repérer ce qui se joue du collectif ou de l’individuel lorsque apparaissent les dilemmes qui nous obligent et que nous ne pouvons traverser avec désinvolture, ceux-là même qui fabriquent des obstacles insurmontables, des douleurs psychiques qui s’accumulent et des ressentiments sociaux qui s’entrechoquent.
« Nous dans le désordre » a fait l’objet d’une résidence au long cours dans un lycée et de répétitions partagées avec des jeunes. La compagnie, c’est son credo, parallèlement à son travail de création, veille à rester en lien avec les publics les plus éloignés du théâtre, initiant des projets ou apportant des représentations dans des lieux non dédiés : milieu hospitalier, carcéral, foyers de l’aide sociale à l’enfance…
Souvent, une telle modalité de création et son empilement d’édifice d’écriture prédit, résultat de cet artisanat, l’accouchement de pièces bricolées où le peuplement des esprits à l’œuvre organise une multiplicité des discours dans une insaisissable et désordonnée pièce puzzle. Nous avons vu la pièce lors d’une représentation à destination des professionnels dans la salle du Théâtre des Abbesses et, puisque l’inquiétude doit être immédiatement éteinte, écrivons d’abord que la pièce est une magnifique construction homogène par son rythme et son écriture.
Toute la culture (22 février 2021)