Hip hop optique

Vous connaissez Soulages, ce peintre associé à l’art abstrait ou « informel » célèbre dans le monde entier pour son usage particulièrement original des rutilances de la couleur noire qu’il appelait « noir-lumière » ou « outrenoir » - s’opposant ainsi à Johnny Hallyday pour qui noir, c’était noir et point barre ?

C’est sous l’égide de cet éminent artiste que le chorégraphe Mickaël Le Mer a décidé de placer sa toute nouvelle création intitulée Les Yeux Fermés. Est-ce à dire qu’on n’y verra rien du tout, ou alors pas grand-chose ? Non : car si les huit interprètes présents sur le plateau partiront bien de l’obscurité, ce sera pour se dévoiler progressivement et interagir avec les vibrations et les reflets d’une lumière qui apparaîtra peu à peu tel un soleil levant jusqu’à l’apothéose finale où les feux des projecteurs inonderont la scène et la salle dans une célébration de la vie, de la joie et de la communion avec le public...

Au sol ou bien debout, à deux ou bien à quatre, en essaims ou bien en solo, ces huit adeptes de la danse urbaine multiplieront donc les figures de style, renouvelleront sans cesse les tableaux composés afin de donner corps au mantra du peintre sus-cité pour qui le noir était non seulement une couleur, mais aussi la plus pure et la plus intense d’entre elles. Avec sa chorégraphie fluide aux gestes épurés et aux lignes élégantes, avec son sens de l’espace et son goût de l’atmosphère, avec ses cadrages cinématographiques et sa rigueur toute géométrique, avec son alliage oxymorique de puissance et de finesse, de virtuosité et de sobriété, ce spectacle vous dessillera les yeux que vous garderez, malgré son titre trompeur, grand ouverts jusqu’au bout...

Une oeuvre remarquable dont on cherchera en vain le moindre défaut.

Mouvement