L’Icare des neiges

Quelque part sur la banquise, les yeux levés vers le ciel, un pingouin regarde avec une pointe d’amertume passer tout là-haut les oiseaux. Et si je prenais moi aussi de la hauteur, se dit-il soudain dans sa petite tête d’alcidé ? Pourquoi mes ailes, si habiles à me propulser dans l’eau, ne me catapulteraient-elles pas dans les airs ? Il faudrait que j’essaie...

Ce Complexe du pingouin développé par Bénédicte Gougeon et assez proche, au fond, du complexe de L’albatros de Charles Baudelaire (puisque les ailes atrophiées du premier l’empêchent autant de voler que les ailes surdimensionnées du second l’empêchaient de marcher) est un appel, une invitation, que dis-je, une exhortation à s’aventurer crânement audelà de sa condition, à dépasser vaillamment les limites que la nature nous imposent - bref, à voir un peu plus loin que le bout de son bec...

Pour raconter sans paroles cette histoire qui touchera le mergule nain, le guillemot à lunettes, le starique perroquet ou le macareux rhinocéros qui sommeille en chacun de vous, une mignonne marionnette manipulée à vue se dandinera entre des icebergs de métal clair sur lesquels seront projetés des dessins fins comme de la dentelle de Calais et des images vidéo qui montreront tour à tour la réalité visible de ce paradis blanc et l’univers intérieur de notre intrépide palmipède. Une musicienne-bruitiste mêlera des bribes mélodiques et des glissements harmoniques aux sons de l’eau qui clapote, du vent qui gémit et de la glace qui craquette. Tout ça pour quoi ? Pour vous faire frissonner, oui - mais de plaisir uniquement..