Le sang des statues
Suzy Storck est une femme au foyer qui mène une vie tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Mais un jour d’été, sous le poids de la chaleur, Suzy Storck s’oublie, revisite son passé, prend conscience de tous les renoncements qui fondent son existence et de tous les désirs qu’elle ne peut plus combler. Alors, ce soir-là, tandis que le soleil se couche, que ses enfants chahutent et que son salarié de mari rentre du travail, elle n’a qu’une envie : foutre le feu à sa prison...
Le metteur en scène Simon Delétang cherchait à créer une pièce qui fasse écho aux nombreux faits divers de ces dernières années (et à ceux contenus dans les tragédies antiques) où des femmes ont agi contre l’ordre établi pour se libérer du joug familial ou conjugal, quand il est tombé - ô miracle - sur cette oeuvre de Magali Mougel. Car cette Suzy Storck a bien été imaginée par cette spécialiste des portraits de « femmes fortes » qui savent ourdir, dans les rouages d’un quotidien qui les brime, des actes de libération irréversibles (comme en témoigne notamment Shell Shock, présenté page XX).
Vous n’assisterez pas au drame qui se déroulera hors-champ (car drame il y a, mais on ne déflore aucun suspense en disant cela). En revanche, vous pourrez suivre les relations entre les personnages qui constituent la chair même du spectacle et qui évolueront selon une chronologie éclatée avec un choeur qui viendra régulièrement exprimer son point de vue sur la question, comme dans la tragédie antique, justement. Suzy Storck arborera-t-elle alors une tunique, comme au temps d’Euripide ? Non. Mais ce n’est pour cela qu’elle ne fera pas ressentir à vos adolescents, à qui ce spectacle s’adresse prioritairement, le souffle si singulier de ce théâtre des origines...