La carte et le territoire

Adepte des performances in situ, la chorégraphe Joanne Leighton aime plus que tout s’immerger dans une ville pour faire le portrait « en mouvement » de ses musées, de ses places ou de ses parcs. Comment ? En demandant à ses interprètes d’y déployer leurs beaux corps souples et musculeux et de révéler ainsi, au sens magique ou photographique du terme, l’architecture et la configuration du lieu...

L’originalité de ces Modulables, outre le fait qu’ils font sortir la danse de son espace habituel de représentation et favorisent une grande proximité entre les artistes et le public (ce qui ne vous autorise pas pour autant à les toucher ou à leur demander des selfies pendant leur prestation) est que toutes ces petites pièces, sans aucun rapport entre elles (puisque chacune a sa thématique propre) peuvent être cependant agencées de manière à former une oeuvre à part entière...

Quoi de commun, en effet, entre un solo de déshabillement sur un texte de John Cage, un duo dans une zone strictement délimitée de quatre mètres sur quatre, un quintet sur le Requiem de Mozart ou une chorégraphie élaborée sur la base de la suite mathématique dite de Fibonacci, qui combine des additions de chiffres selon des règles savantes de calculs systématiques ? Strictement rien. Mais Joanne Leighton, avec son génie du montage, parviendra quand même à créer du sens avec toute cette matière hétérogène et à faire bouger la ville du Mans à l’unisson, sans le secours d’aucune secousse sismique...