Les Quinconces L'espal - Scène nationale du Mans

À HUIS CLOS - ANNULÉ

THÉÂTRE

KERY JAMES - MARC LAINÉ

06 - 07 février 2024

Pour des raisons indépendantes de notre volonté, nous avons le regret de vous annoncer l’annulation du spectacle ​À huis clos que vous deviez découvrir les mardi 6 février et mercredi 7 février prochains au Théâtre des Quinconces. Vous avez acheté des billets pour ce spectacle ? Nous vous remercions de bien vouloir contacter le Service Accueil/Billetterie billetterie@quinconces-espal.com | 02 43 50 21 50

Le juge et l’assassin


Soulaymann, un jeune banlieusard devenu avocat, a toujours pensé que la lose n’était pas une fatalité, quel que soit son milieu social d’origine. Alors, quand son frère est abattu d’une balle dans le dos par un policier, bien sûr, il en est lourdement affecté, mais ses convictions n’en sont pas pour autant ébranlées. Sauf qu’au tribunal, impuissant, écœuré, Soulaymann assiste à ce qui ressemble à une « parodie de procès ». Très colère, le voici donc qui déboule, l’arme au poing, dans le grand appartement parisien et cossu du juge qui présidait cette cour d’opérette avec la ferme intention de l’occire...


L’occira-t-il ? Non. En tout cas, pas tout de suite - sinon, la pièce serait vite terminée. Avant que le sang ne jaillisse, ce sont les mots qui jailliront : des mots avec lesquels les deux hommes échangeront passionnément sur des sujets aussi vastes que les violences policières, la démocratie, l’éducation ou la dernière saison de Pékin Express (ah non : ni l’un ni l’autre n’a la télé)...


Après le succès de sa pièce À vif, où deux avocats s‘écharpaient autour de la responsabilité de l’État dans la situation désastreuse des banlieues et où il interprétait déjà un professionnel de la défense prénommé Soulaymann, le maître du rap français Kery James revient donc au théâtre avec ce nouvel opus dans lequel il mettra de nouveau les mains dans le cambouis des plus explosifs des sujets de société - en même temps que les pieds dans le plat. Porté par la puissance de son interprétation et par la radicalité de sa plume, À huis clos abordera de front le problème de la « justice à deux vitesses » - mais vous pouvez être sûr que Kery n’oubliera pas d’y passer la cinquième...

 

 

 

  • Dans la presse

    Les violences policières dans le viseur de Kery James

     

        Dans À Huis Clos, le rappeur orchestre une confrontation musclée entre deux hommes que tout oppose, à commencer par leur vision de la police et de la justice, non sans échapper à un certain manichéisme.

     

    Malgré un plein tarif prohibitif de 45 euros – qui fait de Chaillot le plus onéreux, hors Opéra-Comique, de tous les théâtres nationaux –, il était remarquable et heureux d’observer, au soir de la première parisienne d’À Huis Clos, une salle Firmin Gémier beaucoup plus diverse qu’à l’accoutumée, garnie de spectateurs néophytes ou, à tout le moins, peu habitués à un tel décorum. Cette diversité, le lieu la doit sans aucun doute au nom de Kery James, qui avoue lui-même « ne pas bien connaître le monde du théâtre » dans lequel il ne met « pas souvent » les pieds. En matière d’art dramatique, le rappeur, auteur, compositeur, scénariste, réalisateur et poète, désormais associé au Théâtre national de la Danse, n’en est pourtant pas à son coup d’essai. En 2017, l’artiste était, déjà, monté une première fois sur les planches dans À vif dont il avait, déjà, signé le texte. À l’occasion de la finale d’un concours d’éloquence, s’y jouait une confrontation entre deux avocats, l’un, Soulaymann, issu des banlieues défavorisées, l’autre, Yann, originaire des beaux quartiers, comme reflets de ces « deux France » dont il espère la réconciliation.

     

    Quelques années et deux films, Banlieusards et Banlieusards 2, produits par Netflix plus tard, Kery James reprend le même procédé dramaturgique, le même combat et le même rôle en endossant, à nouveau, celui de Soulaymann. Cette fois, l’avocat fait irruption dans l’appartement cossu d’un juge. Sous l’apparence fallacieuse d’un coursier, il dupe le magistrat, trompe sa vigilance et ne tarde pas à le mettre en joue. Devant l’incompréhension de sa victime, l’assaillant décline son identité : il est le frère de Demba, ce jeune homme tué par la police à l’issue de ce qui, à ses yeux, constitue une bavure. Venu pour se venger afin, pense-t-il, d’étancher sa douleur, Soulaymann a la ferme intention d’abattre le juge, qu’il tient pour responsable de l’acquittement du policier mis en cause, au motif qu’il aurait influencé la décision des jurés qui composaient la Cour d’assises. Pris dans une logique oeil pour oeil, dent pour dent, « une vie pour une vie », les deux hommes entament alors un dialogue, où leurs visions diamétralement opposées de la police et de la justice éclatent au grand jour.

     

    À travers ce duel, Kery James orchestre, une nouvelle fois, un face-à-face entre ces « deux France » qui se regardent en chiens de faïence. L’une des quartiers bourgeois, personnifiée par un magistrat du XVIe arrondissement, pétri de rectitude et persuadé d’être dans son bon droit ; l’autre des quartiers populaires, « prolétaires » écrit l’artiste, menacée par un système qui ne comprend pas les causes de sa révolte et incarnée par ce jeune avocat qui, aux prises avec le deuil de son frère, est soumis à un mouvement pulsionnel. Et pourtant, malgré ce fossé apparent, une discussion parvient à naître entre ces deux parties que d’aucuns décrivent comme antagonistes. Grâce à ce lien qu’il tisse patiemment, y compris en osant un échange sur le sentiment amoureux, Kery James montre, avec justesse, que ces deux individus sont, en dépit de leurs différences, avant tout des Hommes avec leurs fêlures, leurs problèmes personnels et qu’il disposent, en cela, d’un terreau commun, d’une humanité commune, sur laquelle peut germer, puis grandir un dialogue, avec les vertus que souvent il suppose.

     

    Toutefois, dans le versant plus politique de son discours, le rappeur n’échappe pas à un certain manichéisme dans sa façon d’opposer le jeune avocat, qui jette l’opprobre sur l’ensemble de la police, décrite comme un amas de méchants flics auteurs de violences à répétition à l’aide d’exemples bien sentis – la mort de Nahel, l’affaire Michel Zecler, le cas d’un policier municipal de Saint-Ouen condamné pour avoir uriné sur des mineurs… –, et l’imperturbable magistrat, défenseur devant l’éternel des forces de police, qui n’hésite pas à citer des noms de fonctionnaires sacrifiés – Clarissa Jean-Philippe, Arnaud Beltrame – et des cas d’attaques en règle, comme celle survenue à Viry-Châtillon en 2016. Dès lors, l’échange entre les deux hommes paraît rejouer le débat politique actuel, sans parvenir à le dépasser, avec des arguments maintes fois entendus, et donc largement émoussés.

     

    Malgré tout, la mise en scène de Marc Lainé, si elle ne réussit pas toujours à faire monter suffisamment la tension, parvient à tenir en haleine. Avec son habituelle grammaire scénique, qui mêle théâtre et cinéma, jeu engagé et gros plan vidéo, il renforce encore le côté face-à-face, et transforme le plateau en ring, cerclé par un rail où naviguent deux caméras. En cultivant le champ-contrechamp, il capte, et donne à voir, l’influence des discours sur les visages et dans les esprits. Face à Kery James, sans doute, et logiquement, le moins à l’aise des deux, mais qui gagne en justesse et en puissance à mesure que le spectacle avance, Jérôme Kircher campe un juge en clair-obscur, coincé entre son bouillonnement intérieur et son calme de façade. Sans délivrer l’uppercut théâtral attendu, À Huis Clos donne alors du grain à moudre à ceux qui douteraient encore de la réalité des violences policières, et pousse tout un chacun au dialogue, plutôt qu’à l’affrontement, pour sortir de l’engrenage mortifère.

     

    Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

  • Générique

    Un spectacle de Kery James
     

     

    Mise en scène & scénographie : Marc Lainé
    Avec Kery James et Jérôme Kircher
    Dramaturgie : Agathe Peyrard
    Assistant mise en scène : Olivier Werner
    Collaboration artistique : Naïlia Chaal
    Régie générale : Thomas Crèvecoeur
    Création lumières : Kevin Briard
    Régie lumières : Kevin Briard, Juliette Labbaye, Samuel Kleinmann
    Création et régie vidéos : Baptiste Klein & Yann Philippe
    Création sonore : Clément Rousseaux
    Costumière : Marie-Cécile Viault

    Remerciements à Fursac pour les costumes

     

    Production : Astérios Spectacles et Otto Productions
    En Coproduction avec : Chaillot-Théâtre National de la Danse // Les Quinconces - L’Espal Scène Nationale du Mans // Le Radiant-Bellevue, Caluire-et-Cuire // La Machinerie Théâtre de Vénissieux // Maison de la Musique de Nanterre // La Filature, Scène Nationale, Mulhouse // Théâtre Jean Vilar, Vitry sur Seine // Théâtre de Dreux // La Comédie de Valence CDN Drôme Ardèche, Théâtre-Sénart
    En Coréalisation avec : Théâtre du Rond-Point, Paris