La théorie du Big Band

Quand Loïc Lantoine, cet apôtre de la chanson pas chantée qui fait tanguer la langue, chavirer la rime et chanceler les strophes, croise la route du Very Big Experimental Toubifri Orchestra, cette formation de dix-huit musiciens qui fait valser les sons, vaciller les timbres et fusionner les genres, qu’est-ce que ça donne ? Un éclat, un fracas, un cyclone, que dis-je : un maelström...

D’accord, d’accord, mais à quoi ça ressemble ? Visuellement, c’est simple : posté sur le devant de scène, avec sa voix brute de décoffrage et son âme de baroudeur, à mi-chemin entre Paul Verlaine et un pilier de comptoir chti, Loïc Lantoine vous balancera ses poèmes réalistes et romantiques pendant que, derrière lui, une fanfare dada et colorée (voire costumée) s’évertuera à marier le jazz et la java, le folklorique et le classique, la pop anglo-saxonne et les mandalas cycliques du gamelan balinais (cet ensemble instrumental traditionnel appelé aussi « gong », histoire que vous mouriez moins gong)...

Et le pire, c’est que ça marche. C’est-à-dire que ce qui paraissait hautement improbable sur le papier prend sur scène comme une sauce mayonnaise, ou plutôt samouraï (délaissez le jaune d’oeuf et remplacez-le avantageusement par une piquante pâte de piments indonésienne). Parce que, sur le plateau, ça groove, ça exulte, ça caquète, ça chuchote aussi parfois ; et parce que, dans le public, ça se déhanche, ça se trémousse, ça dodeline de la tête et, entre deux éclats de rire, ça verse aussi parfois sa petite larme. Qu’on se le dise : quiconque snobera ce concert bouillant, poétique et loufoque n’aura aucune idée de la manière dont l’Univers, jadis, a réussi à naître du Chaos...