La vie derrière soi
Ça commence par un coup de foudre dans les couloirs d’un aéroport : un homme et une femme, chabadabada, chabadabada, on rit, on s’aime, on fait la fête, et puis on se met en couple, on fait quelques enfants et là, crac, les ambitions professionnelles prennent le dessus, les trahisons s’accumulent, le doute commence à s’instiller partout et l’idylle initiale bascule dans une guerre domestique qui s’achèvera comme toute guerre digne de ce nom : dans l’horreur absolue, l’apocalypse totale, le summum cauchemardesque.
C’est la comédienne Bénédicte Cerutti qui vous racontera, seule en scène, et dans une adresse frontale, c’est-à-dire en vous fixant droit dans les yeux (sauf quand elle se retournera pour voir défiler ses souvenirs dans l’interstice de portes coulissantes), cette descente aux enfers aussi passionnante qu’un thriller et bourrée d’humour (oui, il vous arrivera de rire franchement malgré la noirceur du propos, c’est tout à fait inhabituel mais c’est comme ça) écrite par le dramaturge anglais et maître incontesté de l’oppression, Dennis Kelly.
Avec sa scénographie sans fioritures, sa langue contemporaine ponctuée de silences, ses ruptures de ton systématiques et son personnage planant entre un présent pétrifié et un passé qui refuse de passer, cette pièce de la jeune mais déjà incontournable Chloé Dabert vous accompagnera au bord d’un précipice que nulle logique ne vient combler, que nulle raison ne vient éclairer. Qu’est-ce qui pousse un être humain à commettre l’impensable ? La violence de notre société libérale ? La cruauté logée dans les plis de son cerveau reptilien ? Avec Girls and Boys, vous n’avez pas fini de phosphorer...
Un texte puissant pour une époustouflante performance d'actrice.
La Croix