Les femmes de l’ombre

Il faut bien le reconnaître : l’histoire de la musique, écrite par des hommes (comme à peu près toutes les histoires, d’ailleurs), a toujours reléguée dans l’ombre les compositrices au profit des compositeurs. Si les noms de Clara Schumann, Alma Mahler ou Fanny Mendelssohn ont survécu jusqu’à nous, c’est parce qu’elles étaient « femme de » ou « sœur de » -  pas du tout parce que les experts en musicologie reconnurent leur talent à leur juste valeur. Connaissez-vous, par exemple, Kassia de Constantinople, Hildegarde von Bingen, Barbara Strozzi, Pauline Oliveros ? Non ? Qu’est-ce qu’on vous disait...

C’est donc pour combler les élisions massives et les lacunes flagrantes de cette histoire officielle aussi biaisée qu’une élection démocratique dans un pays dictatorial que la chorégraphe Maud Le Pladec a décidé de convoquer sur le plateau six performeur(se)s de culture, de parcours, de génération et de sexe différents, à la capacité physique et à la puissance vocale inégalées : car ces six prodiges, en effet, non seulement dansent comme des princes (ou
des princesses) mais chantent également comme des divos (ou des divas).

Imaginer un langage corporel qui s’articule autour de la voix, mais regarder aussi comment la voix peut accroître les potentialités du langage corporel, tout en exhumant un patrimoine musical méconnu (ou plutôt un matrimoine pusical, non, pardon, un matrimoine musical, ah, c’est qu’on finirait presque par en perdre son latin) : tel est le défi que se propose de relever cette pièce profondément politique qui préférera vous raconter, plutôt que le grand récit classique, un récit plus confidentiel, mais beaucoup plus ouvert et généreux...

Une pléiade d'émotions colore cette chorégraphie dont l'énergie se rapproche de celle du militantisme.   

Un Fauteuil Pour l'Orchestre