La chèvre-émissaire

Dans la prestigieuse institution de Sainte-Hélène, vingt filles triées sur le volet grandissent ensemble en se jurant d’être amies pour la vie. Mais la circulation d’une photo exhibant la nudité de l’une d’elles va soudain mettre à mal tous ces serments d’éternité : on se met à éviter la brebis galeuse, à chuchoter devant elle, à rire dans son dos. Isolée, ostracisée, martyrisée, la pauvre jeune fille n’aura d’autre alternative que de quitter le lycée avant (attention, spoiler) de disparaître de la surface du globe...

Pour porter cette fable cruelle (inspirée d’une histoire vraie qui, hélas, n’en finit pas de se reproduire) sur le harcèlement, l’immobilisme généré par la loi du plus balèze et l’omerta imposée par la majorité, La Collective Ces Filles-là (c’est le nom de la compagnie) propulsera six comédiennes dans la préparation intensive d’un match de football sur le Parvis des Quinconces, au cours de laquelle se mêleront tout à fait astucieusement phases d’entraînement avec cris de guerre de rigueur et scènes du texte...

Ce chœur parlé et dribblé, haletant comme un polar ou comme le FranceAllemagne de 1982, irrigué par la circulation des énergies sur le bitume, ponctué de séquences chorégraphiques sur des musiques actuelles et rythmé par moult exercices autour du ballon rond, vous plongera au cœur d’un monde tragique, sexuel, violent et complexe qui n’est pas né d’hier, mais qui profite des techniques d’aujourd’hui pour accroître un peu plus son pouvoir de nuisance. Que les nostalgiques du MLF se rassurent : la défense de la dignité des femmes a encore de beaux jours devant elle...

À la fin de la partie de ce spectacle-match, les comédiennes-joueuses se congratulent et elles ont bien raison : elles ont toutes gagné.

Mediapart