La fusion des contraires

Imaginée par la plasticienne Jeanne Roualet, membre du Grand Ensemble et responsable de la beauté de la plaquette que vous tenez entre vos mains, et née d’un dialogue plus que fructueux avec sept Mancelles et Manceaux, Regarde-moi est une tentative d’hybridation entre l’exposition, l’installation et la performance, une proposition esthétique à la croisée des arts visuels, des arts vivants et du sound design, un geste littéralement « excentrique ».

Concrètement, vous pénétrerez dans un lieu plongé dans l’obscurité pour y voir sept tableaux luminescents, sept compositions photographiques et picturales représentant des travailleurs et des travailleuses « de l’ombre » : les trimeurs et les trimeuses de la nuit, les ouvriers et les ouvrières déchus, les étudiants et les étudiantes hors-circuit, les galériens et les galériennes du XXIe siècle dont une voix, dans le casque que vous aurez sur les oreilles, vous racontera l’histoire mouvementée, le passé agité, le destin fracassé.

Vous découvrirez donc, en évoluant dans un univers sonore aussi étrange que fantomatique, ce peuple d’invisibles qui essaient de survivre coûte que coûte à l’écart de la reconnaissance sociale, dans les interstices du système comme les herbes folles dans les jointures des pavés. Vous plongerez dans des fragments de mémoire, des débris d’inconscient et des ruines d’utopie où la magie, la croyance et la superstition se taillent la part du lion. Et vous succomberez au vertige intérieur que l’on éprouve quand, à trop fixer le réel (fût-il social), celui-ci finit par se nimber de mystère. Réaliser une œuvre qui soit digne à la fois de Ken Loach et de David Lynch ? Jeanne Roualet l’a fait...