Les Quinconces L'espal - Scène nationale du Mans

ART. 13

DANSE

CIE NON NOVA - PHIA MÉNARD

15 novembre - 20h

ART.13 © Christophe Raynaud de Lage
ART.13 © Christophe Raynaud de Lage
ART.13 © Christophe Raynaud de Lage — ART.13 © Christophe Raynaud de Lage

La colosse aux pieds d’argile


Si l’on doit se réjouir de l’élan de solidarité qui a vu l’Europe accueillir à bras ouverts les familles ukrainiennes fuyant l’invasion russe, on ne peut qu’être sceptique face au traitement bien différent réservé par cette même Europe aux personnes fuyant les conflits en Afrique ou au Moyen-Orient - comme si la couleur de peau ou la religion entraient dans ses critères d’appréciation...


C’est cette générosité à géométrie variable qui a poussé Phia Ménard, cette artiste phare de la scène contemporaine qui dynamite les genres, pulvérise les codes et éparpille les identités façon puzzle, à se replonger avec ferveur dans la lecture de la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée le 10 décembre 1948 dont l’article 13 dit sans ambage : « toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État ».


Cet article 13, Phia Ménard le hissera comme un étendard dans son nouvel objet chorégraphique. Imaginez : sur le plateau se dresse une gigantesque statue dont vous ne voyez que le socle et les pieds, un truc monumental qui occupe tout l’espace et occulte l’horizon. Une migrante, mais une migrante blanche, blonde, européenne (comme on a peu l’habitude d’en voir, donc), incarnée par la performeuse Marion Blondeau, s’attaquera à cette sculpture qui s’érige comme un obstacle à son dessein d’une vie meilleure, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un pauvre tas de ruines. Relation de combat entre le corps et la matière ? Tentative désespérée d’abolition des frontières ? Rituel sacré du dépassement des seuils ? Art. 13 est tout cela à la fois, Phia Ménard n’ayant peur de rien - pas même de foutre en l’air sa propre scénographie...

 

 

  • Dans la presse

    « Art. 13 » : Phia Ménard brandit l’arme de l’imaginaire et le pouvoir de la fable

     

    Contre les murs et les fils barbelés de l’Europe forteresse, Phia Ménard brandit l’arme de l’imaginaire et le pouvoir de la fable. Une création à méditer.

    Art.13. Sous cet énoncé aussi brut que lapidaire, se cache donc, selon Phia Ménard, l’un des articles les moins appliqués de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, qui stipule la liberté totale de circulation et d’installation des personnes, à savoir : « 1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat. » « 2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. » L’actualité récente le démontre, une fois de plus, de façon aveuglante. Sur le plateau, un jardin à la française impeccable avec ses haies au cordeau, ses fleurs de lys ajourées dans un gazon rasé de près, et une statue d’un Apollon avec une hache, tandis que s’affiche sur le socle « Art. XIII » puis « Les Nuisibles ». Alors émerge telle une taupe une créature au magnifique masque de bestiole indéterminée – formidable Marion Blondeau –, habillée de vêtements de l’enfance, flanquée d’une peluche qui a souffert. Elle se hisse lentement le long du piédestal, puis prenant de l’assurance s’ébat dans ce jardin paisible où l’ordre règne en maître absolu. Sa gestuelle dégingandée (mais extraordinairement virtuose) issue du classique et du baroque, qui distord toute figure connue, fait apparaître un corps qui ne serait plus unifié et certain – comme celui, si parfait, de la statue – mais improbable et désarticulé.

    Politique ou halluciné ?

    Et c’est bien là que Phia Ménard organise la rencontre entre sa créature et l’institution qui va venir légiférer sur ce que doit être le “ bon ” corps, le “ bon ” mouvement ou le “ bon sujet ”, comme un catalyseur du corps social et politique. Puisque c’est bien de Loi et de représentation de l’Autre qu’il s’agit. Or, très vite, tout cela va déraper. La hache tombe. La créature rebelle s’en empare et détruit tout ce bel ordonnancement, avant d’être elle-même circonscrite et son animal fétiche écrasé. Une deuxième partie intitulée « Crépuscule » s’ouvre alors. Une deuxième statue avec socle, beaucoup plus imposante que la première, est installée. Une autre (la même ?) créature surgit du gazon. Reprend, peu ou prou, les mêmes mouvements, finit par être engloutie par le monument qu’elle sape de l’intérieur. Elle en profite pour récupérer son lapin un peu aplati. S’ouvre alors une magnifique séquence de traversée du miroir, avec nuages de fumée mauve et éclairages étincelants, où une Alice sous acide aurait réussi à renverser la donne, tandis que l’on entend The White Rabbit de Jefferson Airplane. N’a-t-on plus que le rêve comme antidote à la réalité ?

    Agnès Izrine

    LA TERRASSE Publié le 20 septembre 2023 - N° 313

     

     

     

    Marion Blondeau dans ART. 13 de Phia Ménard

        Entre une femme et un jardin à la Française, Phia Ménard continue de saper les fondements de la violence patriarcale de nos sociétés par l’imaginaire et un appel aux rêves.

    Dans un jardin à la française baigné d’une lumière crépusculaire, une femme tombe nez-à-nez avec le socle d’une statue monumentale dont seuls les pieds sont visibles. Elle ne peut, ni ne veut l’éviter. Un combat s’engage alors, où le courage flirte avec une douce absurdité. Partant de l’article de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme le plus dénié – celui qui garantit à tous la liberté de circulation sur la Terre – c’est par le socle que Phia Ménard s’attaque au règne sanglant des frontières. Contre les murs et les fils barbelés de l’Europe forteresse, contre le paradigme de la modernité occidentale qui a séparé l’humain de la nature, elle brandit l’arme de l’imaginaire et le pouvoir de la fable pour nous inviter à réapprendre à rêver. Une manière de résister et de se réinventer, dans le sillage du chaman Yanomami Davi Kopenawa. Avec ART. 13, Phia Ménard, artiste pluridisciplinaire qui explore les imaginaires de la transformation, ouvre nouveau chapitre : Le cycle des jardins et des ruines.

    Sceneweb - 17 septembre 2023 -

     

     

     

     

  • Générique

    Idée Originale, mise en scène, écriture et scénographie : Phia Ménard
    Assistante à la mise en scène : Clarisse Delile
    Interprétation et chorégraphie : Marion Blondeau
    Dramaturgie : Camille Louis
    Scénographie : Phia Ménard, Clarisse Delile et Éric Soyer
    Création sonore : Ivan Roussel
    Création costumes : Fabrice Ilia Leroy assisté de Yolène Guais
    Création lumière : Eric Soyer assisté de Gwendal Malard
    Réalisation scénographie Rodolphe Thibaud, Ludovic Losquin, David Leblanc, Nicolas Marchand
    Régie plateau David Leblanc, Nicolas Marchand
    Stagiaires création Ayoub Kallouchi (mise en scène), Vanessa Schonwald (scénographie)
    Régie générale Olivier Gicquiaud
    Régie lumière Aliénor Lebert
    Co-directrice, administratrice et chargée de diffusion Claire Massonnet
    Assistante d’administration et de production Constance Winckler
    Chargée de communication et de production Justine Lasserrade
     


    Production : Compagnie Non Nova - Phia Ménard
    Coproduction : Biennale de la danse de Lyon 2023 / TANDEM, Scène nationale, Hippodrome de Douai / Le TNB, Centre Européen Théâtral et Chorégraphique de Rennes / Les Quinconces–L’Espal, Scène nationale du Mans / Malraux Scène nationale Chambéry–Savoie / Les 2 Scènes scène nationale de Besançon / La Comédie de Clermont-Ferrand scène nationale / Le Volcan, Scène Nationale du Havre / Les Halles de Schaerbeek - Bruxelles / La Comédie de Valence, CND Drôme-Ardèche / le Lieu Unique, centre de cultures contemporaines de Nantes / DE SINGEL, Centre Artistique International - Antwerpen / MC93 - maison de la culture de Seine-Saint-Denis à Bobigny / Le Centre chorégraphique national d’Orléans.
     


    La Compagnie Non Nova – Phia Ménard est conventionnée et soutenue par l’Etat – Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) des Pays de la Loire, la Ville de Nantes, le Conseil Régional des Pays de la Loire et le Conseil Départemental de Loire-Atlantique. Elle reçoit le soutien de l’Institut Français.

     
    La Compagnie Non Nova – Phia Ménard est artiste associée au TNB, Centre Européen Théâtral et Chorégraphique de Rennes, à la Maison de la danse et à la Biennale de la danse de Lyon, à la scène nationale de l’Essonne. Elle est associée à la Comédie de Valence centre dramatique national Drôme-Ardèche pour la saison 2023/2024 et est artiste repère de la Comédie de Clermont-Ferrand scène nationale.
     

Infos pratiques

ENV. 1H


DÈS 12 ANS