Mirage dedans

Si vous aimez la magie qui lorgne du côté des sciences occultes et des arts divinatoires, exécutée par un sorcier doté d’une baguette de houx, affublé d’un manteau parsemé d’étoiles et coiffé d’un chapeau pointu, ce spectacle n’est pas pour vous. Mais si vous appréciez la magie contemporaine, à savoir celle qui tourne le dos aux artifices et aux effets spéciaux pour chercher de quoi se réinventer dans le dénuement et la sobriété, alors là, n’hésitez pas...

Car dans À vue, tout sera à vue. D’ailleurs, au début, les accessoires seront emballés dans un film transparent et formeront un gros monticule posé sur un assemblage de palettes, au centre de la scène. Traîneront aussi, pas loin, les régies du son et de la lumière. Et puis, au fil des tableaux, ce monticule se métamorphosera en sept petits tas bien distincts qui délimiteront l’espace de jeu des deux protagonistes occupés à tripatouiller des objets tout à fait ordinaires, tout à fait anodins. Mais, sans que vous vous en rendiez compte, les figures tutélaires de leurs illustres prédécesseurs, comme l’hypnotique Lawrence Malstaf, le spectaculaire Harry Houdini ou le facétieux Garcimore (non, pas Garcimore) envahiront le plateau pour tournicoter autour d’eux...

Dans leur décor brut de décoffrage et avec leur matériel bon marché, ces deux alchimistes parviendront ainsi à figer le temps et à sculpter l’espace, à transmuer la matière et à dissoudre leurs identités. Comment ? Grâce à un engagement physique total et à une quête de la performance inouïe : dans À vue, c’est le corps même des artistes qui sème le trouble, brouille les sens et fait advenir l’étrange. Deux corps, d’accord, mais jeteurs de mille sorts...