Citrons givrés

Les plus cinéphiles d’entre vous le savent : Un conte de Noël est un film écrit et réalisé en 2008 par Arnaud Desplechin. Pourquoi Julie Deliquet, après avoir monté son Fanny et Alexandre d’après Ingmar Bergman à la Comédie Française, a-t-elle voulu porter à la scène un autre titre-phare du répertoire cinématographique, qui se déroule également pendant les fêtes de fin d’année ? Par amour de la bûche ?

Non. C’est d’abord parce que le récit desplechinois est découpé en quatre mouvements se déployant sur quatre journées, offrant une structure éminemment adaptable au théâtre ; c’est ensuite parce que les dialogues desplechiniens sont excessivement théâtraux ; et c’est enfin parce que, avec cette histoire de réunion de famille qui tourne passablement vinaigre, Un conte de Noël a tout de la tragi-comédie tchekhovienne (Tchekhov étant à tout metteur en scène ce qu’Orson Welles est à tout cinéaste : une référence indépassable)...

Dans un dispositif où les spectateurs sont installés face à face, au rythme des morceaux de piano ou de guitare exécutés en direct, une douzaine d’interprètes revisitera les thèmes desplechinistes à coups de répliques vachardes et de vérités qui blessent, chacun y allant de son ressentiment et arborant ses plaies comme dans une grande catharsis collective. Polyphonie loufoque et provocatrice, ce Conte de Noël a toutes les qualités d’un repas de réveillon : riche en saveurs et apte à se graver durablement dans les mémoires...